Les hommes hétéros le sont-ils vraiment ? Et au travail, ils sont comment ?
J’ai lu “Les hommes hétéros le sont-ils vraiment ?” de Léane Alestra. Et à chaque page, j’avais envie de surligner, de souffler fort par le nez, puis de l’envoyer en PDF à tous mes collègues.
Pas parce que c’est un livre qui démonte les hommes. Pas du tout. Mais parce que ça parle, entre autres, d’un truc qu’on vit toutes au taf sans toujours réussir à le nommer : ce décalage immense entre “aimer les femmes” et “s’intéresser à elles”. Ce flou gênant entre “je suis un mec bien” et “je monopolise l’espace sans m’en rendre compte depuis dix ans”.
Alors j’ai eu envie de faire un parallèle. Entre ce que dit Alestra sur la masculinité, et ce que ça donne… au bureau.
Petit résumé si t’as pas lu (encore)
Dans son essai, Léane Alestra questionne l’hétérosexualité masculine comme un outil de domination plus que de relation. Elle montre que beaucoup d’hommes aiment surtout… être aimés par d’autres hommes. C’est dans le regard masculin que leur identité se construit. Pas dans celui des femmes. D’où la fameuse bromance, la valorisation des duos virils, l’obsession de la reconnaissance entre mecs.
Et nous là-dedans ? On est là pour valider, admirer, soutenir, mais pas trop parler, ni exister en tant que sujet.
Maintenant… imagine ça, mais version open space.
Au bureau, la masculinité performative est partout
Tu l’as déjà vue, cette scène : un mec qui se la joue “détaché mais leader”, qui coupe la parole sans même s’en rendre compte, qui attend les rires complices de ses collègues masculins à chaque vanne en réunion. Et toi, t’es là, t’as préparé le doc, t’as fait le suivi client, t’as tout organisé, mais t’as à peine droit à un “merci” flou dans le Slack.
C’est ça, le bureau en version “masculinité hétéro”. Un terrain où les mecs performent la virilité, en se regardant entre eux, pendant que les femmes font le taf d’arrière-plan.
Le mythe du “mec déconstruit mais pas trop”
Ce qui m’a frappée dans le livre, c’est ce passage où Alestra explique que beaucoup d’hommes hétéros sont émotionnellement dépendants des femmes, mais ne leur reconnaissent pas cette importance. Ça résonne fort avec ce qu’on vit au taf : on est souvent les "oreilles", les "organisatrices", les "apaisantes". Mais quand il s’agit de promotion, de visibilité, de leadership, là… c’est le grand saut de côté. Attention, je ne dis pas que c’est TOUJOURS comme ça, mais encore aujourd’hui de nombreuses femmes vivent ce types de situations.
Et c’est pas toujours volontaire. C’est souvent inconscient. Mais ça reste usant.
L’open space comme terrain de bromance
Soyons honnêtes : y’a plus de complicité entre les mecs au taf qu’entre eux et nous. Combien de fois t’as vu un collègue valider une idée bancale de son pote en réunion… alors qu’il a ignoré la tienne juste avant ? C’est pas qu’il t’aime pas. C’est juste que t’existes pas vraiment dans sa grille de validation. Tu fais le taf. T’assures, ils le savent. Mais le regard qui compte, c’est celui de l’autre mec.
Bromance
Bromance
Et nous, on fait quoi ? On bosse ET on fait le lien
Le taf invisible est partout. Dans les boîtes mail bien rangées. Dans les débriefs faits à l’arrache pour sauver un projet. Dans les anniversaires pensés, les afterworks organisés, les tensions désamorcées.
Et qui fait ça ? Majoritairement… nous.
Alestra parle du travail émotionnel gratuit que les femmes offrent dans les relations hétéros. Moi je le vois tous les jours dans le taf. Et si t’es une femme, tu le vois aussi.
OK. Et maintenant ?
Je vais pas te dire qu’il faut envoyer ce livre à ton manager (sauf si tu sens qu’il est chaud). Mais je pense que c’est important de mettre des mots sur ce décalage. De pas juste dire “les hommes sont nuls” (parce que c’est pas vrai). Mais de dire : “on voit ce que vous ne voyez pas. Et ça suffit.”
Ce que j’ai retenu du livre, c’est pas juste une critique. C’est une invitation à regarder autrement. À créer des liens vrais. À sortir du jeu de rôle “viril” et à faire place à plus de vulnérabilité, de sincérité, de partages horizontaux. Bref : à rendre le taff peut être un peu moins toxique, et un peu plus humain.
Conclusion
Non, les hommes hétéros ne sont pas tous à jeter. (Heureusement mesdames). Et non, toutes les femmes ne sont pas des mères Teresa du bureau. Mais ce qu’on vit, ce qu’on ressent, ce qu’on fait dans l’ombre mérite d’être vu.
Merci Léane Alestra de m’avoir donné les mots pour le dire. Et merci à toutes celles qui bossent dans ce monde en le rendant un peu moins dur. Même quand c’est pas reconnu. Même quand c’est pas payé.
On voit. On sait. Et on est là.